#044 Margaux HERPIN – s03e06

Saison III
Saison III
#044 Margaux HERPIN - s03e06
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Bienvenue dans un nouvel épisode du podcast (dans les) Vestiaires, où nous plongeons profondément dans les histoires des sportifs de haut niveau, révélant les défis, les triomphes et les moments d’inspiration qui façonnent leur voyage.

Margaux Herpin est une Snowboardeuse Cross.

Pour la suivre, la contacter et la soutenir, RDV sur https://herpin.vestiaires.org .

En termes de palmarès, voici quelques infos :

  • 8 victoires et 2 médailles de Bronze en Coupe d’Europe
  • 1 victoire, 3 médailles d’Argent et 1 médaille de Bronze en FIS
  • Vice Championne du Monde Junior en Individuel et en équipe (avec son Frère Guillaume Herpin en 2021)
  • Vice Championne des JO de la Jeunesse en 2020
  • Plusieurs victoires et podiums sur des Compétitions Internationales de la FIS en Senior et en Junior

Dans cet épisode, vous pourrez découvrir (chapitres de l’épisode) :

  1. Introduction et présentation de Margaux HERPIN
  2. Le snowboard cross expliqué par une championne
  3. Préparation physique et sports croisés
  4. Les débuts de Margaux dans le sport
  5. Intégration et parcours en équipe de France
  6. Le système de compétition en snowboard cross
  7. L’impact des blessures et la rééducation
  8. Financement et soutien d’une carrière en snowboard cross
  9. Objectifs sportifs et esprit de compétition
  10. La situation mondiale du snowboard cross
  11. La médiatisation du sport et comparaison avec le ski
  12. Le sentiment de liberté dans le snowboard
  13. Conclusion et souhaits pour l’avenir de Margaux

La transcription de notre échange

Grâce à Autoscript, on vous propose même de revivre l’échange que j’ai pu avoir avec Margaux. C’est parti !

Salut les sportifs, c’est Ermanno et je suis très heureux de vous recevoir pour un nouvel épisode du podcast Dans les Vestiaires. Aujourd’hui, on va parler avec une jeune pratiquante de sport d’hiver. Bah oui, ça commence à être la saison. A son compteur, elle totalise 8 victoires en Coupe d’Europe et 2 médailles de bronze, 1 victoire en FIS, c’est le circuit de compétition de la Fédération Internationale de Ski, 3 médailles d’argent et 1 médaille de bronze. Elle est vice-championne du monde en individuel et en équipe avec son frère en 2021. Elle a une médaille d’argent aux Jeux Olympiques des jeunes en 2020. Elle a plusieurs victoires et podiums sur des compétitions internationales de la FIS en senior et en junior. Je suis très heureux de recevoir Margaux HERPIN. Salut Margaux !

Salut !

Bon je disais en introduction qu’on allait parler sport d’hiver et pas tout à fait de ski mais justement pour aborder ce sujet là je pense que tu es la bien mieux placée. Donc ma première question Margaux c’est : qui est Margaux HERPIN ?

Je suis une jeune fille de 20 ans j’habite à côté de Chambéry. Je fais du snowboard cross en équipe de France depuis cinq ans et sinon depuis que je suis toute petite je touche à la neige.

Donc attends tu es en train de nous dire que tu as intégré l’équipe de France de snowboard cross à 15 ans ?

Oui, c’est l’équipe de France relève d’abord et après, on monte en groupe d’abord, après, on passe en groupe Coupe d’Europe et après en groupe Coupe du monde. Mais à 15 ans, c’était l’équipe de France relève.

On parle justement du snowboard cross. Tu peux nous en dire plus sur cette discipline?

Oui, c’est une des disciplines du snowboard. On est lâché à quatre en même temps dans un parcours avec des virages relevés, des petites bosses, des sauts. Et moi je compare ça souvent pour essayer de faire comprendre au BMX. C’est comme les parcours de BMX sauf que c’est avec un snowboard et sur la neige.

Notamment dans les autres podcasts que je produis, on parle souvent de sports croisés pour les triathlètes, pour les coureurs, on parle de faire du vélo et de courir, etc. Là, tu nous parles de snowboard et tu compares un peu ça au BMX pour que les gens visualisent un peu, ou j’allais même dire le vélo de cross, mais moi je fais partie d’une autre génération. Est-ce que, du coup, tu croises notamment avec du BMX dans le cadre de ta préparation ?

Non, pas du tout, on n’est pas du tout avec eux. Par contre, on est avec notre centre d’entraînement à Albertville, là où on fait toute la préparation physique. On est avec les skieurs alpins, les skieurs freestyle, les snowboardeurs freestyle, mais on n’est pas trop avec les sports d’été.

Au-delà d’être avec les sports d’été, quand je te pose la question, est-ce que tu croises, c’est-à-dire est-ce que toi aussi, de temps en temps, tu vas t’amuser à pratiquer le BMX ? Alors forcément avec des protections, etc. Le sport de haut niveau, c’est ton métier. Donc j’imagine que l’objectif, c’est justement de ne pas aller se blesser. Mais est-ce que ça fait partie de ta préparation de faire d’autres sports qu’uniquement du snowboard ?

On fait plein d’autres sports. On fait de la boxe. Moi, je fais un peu de surf. Je fais pas mal de vélos de route aussi, du VTT. On diversifie vachement les sports pour notre préparation physique. Et ça rend fun aussi la préparation physique plutôt que juste d’être dans une salle de muscu tout l’été.

Je voulais revenir un petit peu à toi Margaux. Donc toi tu as commencé à pratiquer le snowboard en équipe de France à 15 ans, mais tu n’as pas commencé le sport à 15 ans. Elle ressemblait à quoi la petite Margaux quand elle a découvert le sport ? Elle avait quel âge ? Qu’est-ce qui la passionnait ? Qu’est-ce qui lui a mis des étincelles dans les yeux quand elle a commencé à pratiquer le sport ? Et quel sport ?

Depuis toute petite, on a une éducation vachement sportive avec mes frères et sœurs puisque nos parents sont tous les deux très sportifs. Ça a commencé les dimanches à vrai midi où on a été obligés de faire du VTT. C’était quand même marrant, mais on s’est fait les sorties famille à 5 en VTT, à 3 ans sur les skis, à 6 ans le snowboard. Mais ça a toujours été une diversification. On part tous les ans au même endroit, au lac de Serre-Ponçon, donc planche à voile, bateau à voile. On a toujours eu l’occasion, grâce à nos parents, de faire beaucoup de sports différents. J’ai commencé le snowboard à 6 ans avec mon papa. On faisait la piste aux Ménuires, la Violette. C’est la petite piste plate qu’il y a. Je n’en faisais pas beaucoup, j’en faisais 10 fois par an. Puis l’année d’après, j’en faisais un peu plus. Et à 8 ans, je suis rentrée à l’ESF. J’ai fait un an tous les samedis, puisque en fait on n’habite pas en station, mais tous les week-ends on monte aux Ménuires. Et du coup, tous les samedis, j’étais à l’ESF avec les enfants de la vallée pour faire du snowboard. Et après, je suis rentrée au club de sport des Ménuires pour faire encore plus de snowboard. Je ne faisais que les week-ends. Normalement, il y avait aussi le mercredi, mais vu que je n’habitais pas en montagne, je ne faisais pas le mercredi, mais ça me suffisait déjà bien le samedi et dimanche.

Ça te suffisait déjà bien. J’imagine qu’au bout d’un moment, ça ne t’a plus suffi et que c’est pour ça que tu as bifurqué vers une carrière de sportive de haut niveau ? Tu me disais que tu n’habitais pas sur les pistes, malgré tout, tu pratiquais régulièrement. Le switch, le déclic, le moment où tu commençais à t’entraîner beaucoup plus, à switcher vers justement cette carrière de sportive de haut niveau. Tu t’en souviens ? c’était vers quel âge ?

Il n’y a pas vraiment eu de switch. En fait, normalement, quand tu rentres au collège, tu peux aller en sport études, au collège de Moutier pour nous, enfin pour moi en Savoie, mais ma mère, elle trouvait que c’était trop tôt pour être en internat, qu’il fallait rester encore un peu à la maison. Et je pense qu’elle n’a pas eu tort, parce que moi, ça ne m’a pas pénalisé dans le snowboard et justement, ça m’a montré qu’il y avait aussi autre chose. J’avais ma semaine avec les gens qui étaient en dehors du snowboard du lundi au vendredi. Et samedi dimanche, je switchais avec totalement un autre groupe de copains. Et c’était super marrant. Et ça, c’était les meilleures années du snowboard. C’était trop marrant. Et en fait, j’ai un grand frère, Guillaume, qui fait aussi du sport de haut niveau. Il est aussi en équipe de France. On est dans le même groupe d’entraînement. Lui, il est rentré au Pôle Espoir, donc en équipe de France relève à 15 ans. Donc moi, j’avais 13 ans. Et moi, à partir de 13 ans, tout l’objectif, c’était tourné de rentrer au Pôle Espoir parce que je voulais juste faire pareil. Donc, je dirais à 13 ans, j’ai voulu et j’ai compris qu’il y avait quelque chose à faire avec le snowboard une fois que le collège allait être terminé.

C’est marrant parce que t’es pas la première sportive de haut niveau que je reçois à ce micro qui a dans sa fratrie ou dans sa famille des sportifs de haut niveau. Je pense à Anne Fatoumata M’Bairo dont les deux sœurs sont sportives de haut niveau, mais en handball alors qu’elle, elle fait du judo. Elle, elle savait qu’elle voulait être sportive de haut niveau, mais pas dans le handball. Je pensais aussi à Romain Ghio et son plus jeune frère l’est aussi. Donc, c’est marrant, justement, cette fratrie des sportifs de haut niveau. Alors, on aura bien compris qu’avec toi, ça a été quand même pas mal dirigé par tes parents, qui, dès le plus jeune âge, je te cite, “vous obligeaient à faire les sorties VTT”. Ça devait être sympa. Vous êtes combien de frères et sœurs ? Et ça ressemblait à quoi une sortie du dimanche avec les parents ?

J’ai aussi une grande sœur, donc j’ai une grande sœur de 24 ans, un grand frère de 22 ans et moi qui ai 20 ans. On faisait tout le temps le même tour, moi j’étais tout le temps la dernière en plus. On partait à 15h, on rentrait à 17h30, ça prenait toute l’après-midi. Et c’est vrai qu’on en garde un bon souvenir, même si, une fois qu’on a été assez grand et qu’on a compris qu’on était plus obligé de le faire, enfin qu’on pouvait un peu se rebeller, on a sauté sur l’occasion, mais par exemple, il y a deux semaines, on était tous ensemble et on était trop contents de refaire une sortie VTT le dimanche après-midi. Donc on aimait bien quand même ça, c’est juste peut-être la fréquence tous les week-ends. C’était peut-être un peu trop, mais c’était… En vrai, je suis reconnaissante d’avoir eu la chance de faire ça, parce que je sais que pas tout le monde peut partager ça avec ses parents et tout. Et moi, je suis très contente et très reconnaissante de faire ces sorties en famille.

Moi, c’est le contraire. Moi, je suis le parent et j’aimerais bien que mes enfants acceptent de venir avec moi, mais eux, ils ont compris beaucoup plus tôt que vous qu’ils pourraient se rebeller et qu’ils ne le feraient pas. Un grand frère qui est lui aussi en équipe de France de snowboard cross, ta soeur elle-même est aussi sportive de haut niveau ou elle y a échappé ? Non elle y a échappé, elle est plus dans les études, elle n’aime pas la compétition, enfin elle ne comprend pas comment on peut y trouver du plaisir mais par contre elle comprend beaucoup le sport, elle nous soutient totalement. Elle est sportive quand même. Elle skie beaucoup, elle fait du vélo, elle court, mais pas en compétition.

Elle aime le sport. Elle comprend les valeurs du sport, mais elle comprend pas la compétition. Qu’est ce que toi, tu y trouves dans la compétition ? Quel plaisir tu y prends d’aller te bagarrer, au sens figuré, même si tu nous as dit que tu faisais un peu de boxe, mais quel plaisir tu prends à aller te bagarrer avec les autres sur une piste ?

Déjà, la compétition en général, j’aime bien le fait de se dépasser. La compétition, ça t’aide à donner le meilleur de toi-même, d’aller toucher les limites, dépasser les limites. Et au Snowboard Cross, il y a un sentiment d’arriver en bas, première, et un sentiment de satisfaction incroyable. T’es arrivé première et spécifiquement au snowboard cross, où on est à quatre en même temps sur le tracé, et c’est pas un chrono ou une notation de juge, ça veut dire que t’es arrivé en bas, personne ne peut rien dire. On ne peut pas dire, t’as eu une météo plus favorable, le juge a été payé et tout. Non, on a fait le même run en même temps, au même moment de la journée, donc les conditions c’était les mêmes. Tu peux rien dire. Si t’as été meilleure, t’as été meilleure. Il n’y a aucune excuse. Et c’est ça aussi que j’aime bien dans le Snowboard Cross parce que jusqu’à mes 15 ans, je faisais toutes les disciplines du snowboard, donc aussi le freestyle. Et ce que j’aimais pas dans le freestyle, c’est que j’avais l’impression parfois que la décision, en fait, tu pouvais faire le mieux que tu peux, vraiment quelque chose de formidable, mais la décision au final, elle te revenait pas.

Alors on note quand même cet esprit de compétition, parce que toi tu dis, “tu peux rien y faire, t’es arrivé la première et donc t’as gagné”. T’aurais pu voir le verre aussi à moitié vide en disant “t’es arrivée la dernière” ou que “tu n’es pas arrivé la première, tu ne peux rien y faire”. Non, non, toi, ce qui te marque, c’est d’arriver la première. Bien joué Margaux ! Justement, tu nous parles de cette course de snowboard cross, que vous êtes lâchés à 4 et puis c’est le plus fort qui arrive en premier qui gagne. Ça se passe comment une compétition de snowboard ? Parce que j’imagine qu’au niveau mondial, vous n’êtes pas que 4. Est-ce que c’est des systèmes de qualifications, de séries ?

Alors, une course, généralement, ça se passe sous qualification. Les 16 premières filles des qualifications et les 32 premiers garçons sont sélectionnés pour faire les phases de poules. Donc pour les filles ça commence en quart de finale et pour les garçons en huitième de finale. Et donc après les quart de finale, demi-finale, finale. En fait, les poules sont définies par l’ordre de la qualification. Parfois, on se retrouve dans des poules où on aurait fini deuxième et on aurait espéré finir quatrième parce que la poule est plus simple en étant quatrième. Mais bon, ça c’est le hasard, on ne peut jamais savoir à l’avance. Donc dans tous les cas, il faut faire le chrono le plus rapide.

J’imagine qu’après, ils ne prennent que la première ou le premier de la poule qui passe au tour suivant.

Oui, j’avais oublié, ils prennent les deux premiers de chaque poule pour le tour suivant.

Par rapport aux qualifications, ça se passe comment ? Vous êtes lâchés à 100 sur une piste et puis c’est les 16 ou les 32 premiers qui arrivent ? Ou c’est pareil, c’est les 16 ou les 32 premiers qui arrivent ou c’est pareil c’est une histoire de poule ?

Non, les qualifications c’est un par un dans le border cross, on part à la suite des uns des autres, on fait un chrono et voilà et après on classe en fonction des temps.

Ok donc pour faire un petit peu un parallèle avec le cyclisme on a le contre la montre c’est les qualifications, tout le monde part l’un derrière l’autre et, on prend les 32 meilleurs temps pour les gars et les 16 meilleurs temps pour les filles. Et après, là, vous passez en poule.

Et puis après, effectivement, il y a les poules, donc par quatre.

Et à chaque fois, on prend les deux meilleurs jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que quatre.

Exactement.

Dans les autres disciplines du ski, tu ne retrouvais pas ça. Alors tu nous l’as dit, il y avait déjà cette notation dont tu n’étais pas totalement responsable, mais ça ne fonctionnait pas par qualification ou par poule ?

En freestyle, si ça marche aussi. Il y a différents formats. Parfois, il y a trois runs et ils prennent les deux meilleurs des trois runs. Ou alors il y a un système aussi de qualification. Ils passent tous et ils prennent par exemple les huit premiers pour après faire une finale et après ils classent en fonction de ces huit premiers.

On a fait un bon tour sur le sport, un petit tour sur toi. Revenons un peu sur toi. Est-ce que tu peux nous parler de ton palmarès depuis justement que tu as 15 ans et que tu as intégré

l’équipe de France de snowboard cross ?

J’ai 15 ans, je commence à faire des FIS, des coupes d’Europe. Dans ma première année à la fédération, en résultat marquant, ça a été que j’ai fait cinquième à Coupe d’Europe en France, à Puy-Saint-Vincent. C’était à peu près tout. Et l’année d’après, une semaine avant les JO Jeunes, il y a une Coupe d’Europe, je fais mon premier podium en Coupe d’Europe à cette compétition qui était aussi à Puy-Saint-Vincent. Donc ce border cross me réussissait bien. Et du coup, après, la semaine d’après, en janvier, je termine deuxième, donc vice championne olympique junior à Lausanne en 2020. Et l’année d’après, je participe au championnat du monde junior en Russie où je finis deuxième en individuel et deuxième en team event. Donc le team event c’est en équipe avec un garçon et moi j’ai eu la chance de le faire avec mon frère et on a fini deuxième. Donc c’était génial. Et cette même année je finis championne de la Coupe d’Europe, du classement général de la Coupe d’Europe. Et l’année d’après, je suis sélectionnée en groupe Coupe du Monde, l’année 2021-2022. Je fais

ma première saison complète en Coupe du Monde. Je rate la qualification aux jeux, ils prennent 4 filles, je suis la 5ème, donc j’ai le statut de remplaçante. Par contre, je suis allée faire quelques Coupes d’Europe en attendant que les JO se passent. Il se trouve que j’ai regagné le classement général de la Coupe d’Europe. Donc je suis deux fois championne de la Coupe d’Europe, ce qui est sympa. Et fin de cette saison, je me blesse lourdement, ce qui fait que la saison dernière, saison blanche, et voilà. Et on est aujourd’hui.

Bon, on reviendra peut-être un petit peu tout à l’heure sur la blessure, puisque tu nous dis que tu as fait une saison blanche. Les premiers résultats que tu nous as donnés, donc Coupe d’Europe à 15 ans, après la Coupe d’Europe en 2020, tout ça c’était en catégorie junior. C’est à partir de 2021 que tu as intégré le circuit senior ?

Nous, à partir de 15 ans, il n’y a pas de catégorie. Les Coupes d’Europe, ce n’est pas des Coupes d’Europe junior ou senior, c’est des Coupes d’Europe où il y a tout le monde. Il y a juste des compétitions comme les championnats du monde junior ou les JO jeunes où c’est réservé à une tranche d’âge. Mais sinon, voilà, Coupes d’Europe, Coupes du monde, c’est toute catégorie. Il n’existe pas de circuit junior.

Donc tu concours avec les grands.

Voilà, c’est tout de suite avec les grands. Tout de suite dans le grand bas.

D’ailleurs, le snowboard cross, c’est un sport qui n’est pas si vieux que ça, non ?

C’est aux Jeux Olympiques depuis 2006, Turin. Je dirais que les premières compétitions, elles étaient dans les années 2000-2002. Il a à peu près 20 ans, le sport.

C’est vrai qu’on n’a pas le même référentiel. Pour moi, 2006, c’est hier. Pour toi, tu étais à peine née. Tu nous parlais tout à l’heure de la blessure, on peut rapidement revenir dessus. Qu’est-ce qui s’est passé déjà sur cette blessure ?

En 2022, sur les finales de la Coupe du Monde en Suisse à Vésenaz, je chute, je fais une luxation fracture de la hanche et je me casse la clavicule, je perds connaissance. Je reste hospitalisée 67 jours à l’hôpital de Grenoble, je me fais opérer de la hanche, donc on me répare la hanche. Je suis après en rééducation, en réathlétisation, je fais même un retour sur neige en octobre, donc octobre de l’année dernière. Je me sens bien et puis en fait je commence à avoir des douleurs, on sait pas trop ce que j’ai, les médecins ils sont un peu perdus, ils savent pas. Donc je reprends les béquilles, je remarche en béquilles, je prends beaucoup de médicaments morphiniques, des gros médicaments. Je fais plus rien, je m’entraîne plus, j’ai juste mal toute la journée. Et puis ça traîne comme ça pendant six mois jusqu’à ce que je fasse un IRM de contrôle en mars de cette année et où on pose un diagnostic donc je dois me faire réopérer. J’ai la tête fémorale qui a nécrosé pendant l’impact et qui a luxé la hanche. J’ai cassé la hanche mais il y a la tête du fémur qui a aussi pris un coup donc ça a nécrosé et la solution c’était de poser une prothèse de hanche. Donc j’ai 20 ans, j’ai une prothèse de hanche, ça fait un peu chier. Mais voilà, je me suis opérée en mai, fin mai, et depuis ça fait donc quatre mois post opératoire. Tout va bien, j’ai plus de douleurs. C’est formidable, je revis.

Tes objectifs à court, moyen, long terme, c’est remonter sur les skis, remonter sur le snow, redonner tout ce que tu peux donner et monter sur la plus haute marge de la boîte ?

Oui, exactement. L’objectif, c’est de retourner sur le snowboard cette saison, sur le circuit Coupe du Monde. Et après, l’objectif à plus long terme, c’est d’être aux JO de Cortina en

2026. Et puis, sur encore le plus long terme, tout gagner, tout ce qu’il y a à gagner.

Forcément, quand on échange avec quelqu’un qui a l’esprit de compétition ancré en elle, l’objectif, c’est de tout gagner de toute façon.

Voilà, c’est ça.

Tu as plutôt quoi comme profit de compétitrice ? C’est-à-dire, tu y vas au-delà du fait de tout donner pour gagner, mais est-ce que tu es plutôt altruiste avec tes concurrentes ? Un petit coup de hanche, un petit coup de coude, un petit coup de genou par-ci par-là ?

Non, déjà chez les filles, je trouve qu’il y a moins l’occasion d’avoir des gros contacts. J’ai pu beaucoup voir cette saison, la saison qui vient de s’écouler, vu que je l’ai passée sur le canapé à regarder les courses. Et j’ai trouvé que oui, ça ridait de plus en plus serré chez les filles, comparé à quelques années. Voilà, il faut pas se laisser marcher dessus, il faut y aller. Il faut pas aussi se dire, devant on a une double championne olympique ou je sais pas quoi, je vais la laisser passer. Dans le border, il n’y a plus de titres qui existent, il faut juste y aller. En vrai, il ne faut pas être débile non plus, il ne faut pas faire des trucs interdits. Il ne faut pas faire tomber l’autre non plus, ce n’est pas fair play. Parce qu’en plus, en faisant tomber l’autre, tu peux tomber toi. Mais il ne faut pas se laisser marcher dessus, il ne faut pas se laisser doubler. Si tu veux doubler, il faut doubler, mais il faut le faire bien. Il ne faut pas faire n’importe quoi, juste un jeté de viande et espérer que ça passe.

Et justement en snow, comment on accélère ? Comment on double ? Parce qu’en skate, on voit bien, on met un petit coup de patte sur le côté. En vélo, on appuie sur les pédales. En course à pied, on appuie un peu plus fort, on met plus de puissance dans les jambes. En natation, c’est pareil. En snow, comment on fait ?

Il y a un peu de stratégie. Il y a dans les virages, passer par l’intérieur ou l’extérieur. Et il y a aussi, s’il y a une ligne droite après un virage, avec des bosses, des petits hoops comme on appelle ça, il faut en fait faire une belle sortie de virage pour accumuler de la vitesse et doubler dans cette ligne droite. Et c’est là où il y a deux profils de rider généralement qui se distinguent. Les profils starter ou les profils glisseurs. Donc starter, c’est-à- dire que c’est quelqu’un qui est très tonic en jambes et donc toute la phase de départ du border cross où il y a plein de petits modules casse-pieds casse-jambes où il faut être très rapide en jambes. Généralement, donc là il y a les profils starter qui startent très loin devant mais qui ont un peu plus de mal peut-être avec la glisse derrière, laisser la board vivre parce que justement ils sont un peu plus nerveux, et après il y a les autres profils, moi je suis un peu plus comme ça, un peu diesel, je démarre doucement, je me fais un peu distancer, et après je rattrape et je double. Mais du coup le but c’est d’avoir les deux profils en un profil, être starter et glisseur, et là tu gagnes tout.

Bah oui forcément, le moto à cinq pattes, évidemment. Surtout 5 pattes sur un snow, ça peut aider, t’as une petite patte en plus pour pousser. Actuellement, au niveau mondial, les Français et les Françaises, vous vous situez comment ?

La France c’est la meilleure nation pour la deuxième année consécutive sur le circuit Coupe du Monde. C’est-à-dire que la France a gagné le Globe des Nations pendant 2 ans d’affilée. La France est une des meilleures nations. Une de mes amies qui est aussi sur le circuit suisse, elle m’a envoyé une photo d’un bracelet que les Australiens ont, avec écrit « Beat the French » dessus. Donc c’est pour dire qu’on est quand même une forte nation. Ça pousse beaucoup aussi derrière. Il y a beaucoup de jeunes très très bons. Donc on a des

gros effectifs et des gros effectifs qui sont très bons. Donc il faut se battre pour les sélections.

Et deux ans de suite, le Globe de meilleure nation. Et encore, tu n’étais pas dans la dernière saison. Donc dès que tu vas remonter sur le snow, là, vous avez une troisième assurée, j’espère !

J’’espère oui, j’espère y participer.

Tu me dis que ça fait presque un an que t’es pas monté sur le snow, que t’es monté un petit peu en pointillé avant de te rendre compte qu’effectivement les douleurs étaient revenues. Qu’est ce qu’on fait quand on est sportive de haut niveau et qu’on est empêché de pratiquer son sport ? Il y a d’autres manières de s’entraîner ? Il y a d’autres choses à faire ?

Oui, il y a déjà toute la préparation mentale pour essayer de ne pas perdre. Moi, je sais que tous les nouveaux boarders qu’il y avait cette saison, j’essayais de les refaire dans ma tête, m’imaginer les rider, pour essayer de ne pas perdre, essayer de retrouver des sensations par un autre moyen. Quand il faut remonter sur le snowboard, il ne faut pas trop penser à la blessure. Il faut essayer de gagner du temps là-dessus, c’est-à-dire se dire, là maintenant j’ai du temps, je vais essayer de travailler sur remonter sur le snowboard dans ma tête, ne pas avoir peur, ne pas appréhender, même si ce ne sera jamais la vie réelle vraiment ce qui va se passer. Mais essayer de travailler sur peut-être cette appréhension qui peut arriver. Et après, sinon, il y a l’école. Moi, je suis allée à l’école. Moi, je fais l’école à la maison, normalement. Là, je suis allée à l’école pour de vrai, à l’université. J’ai vécu un peu cette vie qu’on n’a pas trop l’occasion de vivre. C’était très bien un semestre, mais maintenant, j’ai envie de refaire du snowboard.

Bon, et puis la saison hivernale arrive, donc forcément, ça donne envie. Tu parlais de préparation mentale, donc j’imagine que tu t’entoures des services d’un préparateur ou d’une préparatrice mentale. Tu peux nous parler rapidement de l’équipe qui gravite autour de toi ?

Oui, alors dans le staff de l’équipe de France, on a deux coachs, deux techniciens qui préparent les planches, un prep physique, un ou deux kinés, ça dépend des stages ou des compétitions, et du coup, moi, une prep mentale.

Tout ça, ça représente un certain budget. Comment est-ce que vous faites pour assumer le budget annuel qui correspond à, ne serait-ce que à la sollicitation de tous ces experts qui gravitent autour de vous et puis aussi vos frais personnels ?

La Fédération en prend une charge d’une partie, pas totalement, il nous reste un petit billet à lâcher quand même. Et puis c’est surtout aussi au niveau du matériel, je suis chez une marque de snowboard qui ne me sponsorise pas, donc je dois payer mes snowboards, je dois payer mes fixations, je dois payer mes boots parce que j’ai pas de sponsor pour ce matériel-là. Après, pour ce qui est équipement de protection, casque, masque, gants, je paye pas parce que j’ai un sponsor pour ça, mais si t’en as pas, pareil, faut que tu te le payes. Après, tout ce qui est tenue de course, tenue France, ça nous est donné par la FFS. Après, moi je ne peux pas être indépendante financièrement encore. Je rembourse à peu près ma saison,  mais je ne peux pas vivre… enfin je ne peux pas avoir un appartement par exemple, ou une maison. J’ai l’aide de mes parents et j’en suis reconnaissante, mais je ne peux pas en vivre de mon sport encore pour le moment. Je ne sais pas si je pourrais un jour, parce qu’on n’est pas un sport professionnel où on est signé dans une équipe ou signé avec l’équipe de France, par exemple comme le rugby. On n’a pas de salaire. Nos revenus viennent des price money ou des sponsors qu’on peut trouver. Donc ça représente 5% des sportifs de la FFS, je crois. C’est vraiment très peu.

Et c’est là justement que nous, on essaye d’intervenir en mettant en avant vos profils, vos histoires. Et puis si certaines personnes veulent vous accompagner dans votre projet, n’hésitez pas à aller sur vestiaire.org. Vous trouverez la page de collecte de fonds pour Margaux. Tu as une idée à peu près du coût d’une saison ? Alors j’imagine qu’évidemment

c’est variable suivant le nombre de déplacements que tu vas faire, le nombre de déplacements qui vont être pris en charge ou pas par la Fédération Française de Ski, mais en gros une saison de ski entre le matos des déplacements, la nourriture spécifique à l’entraînement et aux compétitions, tu sais à peu près combien ça coûte ?

Ouais, on est sur 30 000 euros la saison. Moi, je n’ai pas eu à payer ça parce que je suis… Voilà, la Fédé en prend en charge une partie, mais quand tu es en groupe relève, surtout en ce moment que la Fédé a des petits problèmes financiers, tu payes tout toi-même, tu dois lâcher un beau billet.

Alors toi, tu es inscrite sur la liste ministérielle des sportifs de haut niveau, encore au moins jusqu’à juin 2024 si mes informations sont bonnes. Est-ce que pour ça vous êtes aidés par le ministère des sports ?

Oui on a des aides. Moi alors déjà j’ai une aide parce que je fais un double projet, le projet scolaire et le projet sportif donc j’ai une aide pour ça. J’ai une aide du CNOSF donc du Comité National Olympique du Sport Français. J’ai une aide de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Le reste, c’est de mes sponsors et de mon club. Les Ménuires, moi c’est mon club depuis que je suis toute petite. Ils me soutiennent et je sais, en parlant avec d’autres athlètes, que je fais partie d’un des clubs qui soutient quand même assez bien. Il y a d’autres clubs qui soutiennent plus. Je suis quand même reconnaissante d’avoir été chez eux depuis toute petite, que mes parents m’aient emmené faire du snowboard aux Ménuires. Ils ont visé juste. 

Dans les autres moyens de financer ta saison, est-ce qu’il y a aussi des primes de course, des prize money, des primes aux médailles, ce genre de choses ?

Oui, il y a des primes. Moi, mon club me donne des primes de résultats et aussi sur les compétitions, donc sur les Coupes du Monde seulement, il n’y a pas sur les Coupes d’Europe, mais le top 10 reçoit un prize money. 

Bon on va dire que le snowboard est un sport un peu plus récent.

Il y a un truc avec notre sport qu’on ne comprend pas trop, c’est qu’il est vachement médiatisable facilement. Enfin c’est très visuel. On voit des gens se… y’en a un qui tombe, les autres tombent, du coup en fait il finit premier. Y’a plein de rebondissements et on comprend pas trop pourquoi. En France, à part aux JO, les gens regardent pas. Alors qu’on a des superbes audiences aux Jeux Olympiques, et pourtant on n’est pas autant médiatisé que le ski. Alors que visuellement c’est de mon avis plus ludique à regarder. Ce sera à étudier. Si tu as des contacts à la Fédération Française de Ski, on pourrait peut-être poser la question. C’est peut-être une question aussi de vente des droits de télévision. Il n’y a que certains slots qui sont possibles et puis on ne peut pas en rajouter.

Quitte à faire un choix, autant laisser le ski parce que c’est ce à quoi les gens sont habitués.

Oui, peut-être. Regarder le snowboard cross, c’est marrant.

Écoute, le message est passé. J’ai presque envie de te proposer qu’on en reste là. Je voudrais quand même revenir sur une chose que tu m’as dit quand on s’est parlé la première fois qu’on a préparé cet épisode. Tu m’as dit “ce qui t’a attiré dans le snowboard, c’est qu’il y avait plus de liberté, c’est que chacun se faisait sa place et faisait sa trace”. C’est quelque chose qui t’a animé quand tu t’es mise à faire justement du snowboard au détriment du ski ?

Ouais, moi je me sentais plus libre. Il y a beaucoup de sportifs qui parlent de leur sport en expliquant un sentiment de liberté. Moi je le ressens ce sentiment de liberté, je le trouve dans le snowboard. Je ne l’ai pas trouvé dans le ski mais il y en a qui le trouvent dans le ski. Moi j’ai vraiment eu cette impression de flotter sur la neige, de pouvoir aller n’importe où. C’est parti des cours ESF, j’ai commencé par le ski à l’ESF, je devais suivre le moniteur en tortillon alors qu’en snowboard on ne peut pas faire ça, c’est le sport qui ne s’y prête pas. Du coup, j’avais vraiment l’impression d’être libre, je pouvais faire le virage que je voulais sur la piste et juste on se retrouvait tous en bas de la piste et c’est ça qui m’a séduite.

On rebondit un petit peu sur ce que tu nous disais tout à l’heure sur l’esprit de compétition, c’est-à-dire tout le monde descendait et puis on se retrouvait en bas de la piste et en  espérant que ce soit toi la première, c’est ça ?

Non, parce que là on était encore sur les pistes libres, pas dans un parcours de border cross, donc pas vraiment encore.

Bah écoute Margaux, c’est super touchant tout ce que tu nous as raconté aujourd’hui. Je te propose qu’on en reste là. Je te souhaite un bon courage pour remonter sur le snow, pour reprendre pied avec ton sport, pour nous faire une très belle saison 2023-2024 et puis j’espère qu’on aura l’occasion de se croiser à Milan en 2026.

Oui, moi aussi j’espère qu’on aura l’occasion. Je croise les doigts.

Juste avant de te laisser partir, est-ce que tu peux nous rappeler où est-ce qu’on peut échanger avec toi ?

Tous les endroits sont bien. Je réponds quand même pas mal. C’est partout Margaux HERPIN. Sans point, sans tirer.

Du coup, rendez-vous sur vos réseaux sociaux préférés en allant chercher Margaux HERPIN. Margaux, je te souhaite une très bonne journée. Et puis encore une fois, un très bon courage pour la saison à venir.

Merci, merci de m’avoir reçue et écoutée. Et puis, à bientôt.

À très bientôt. Ciao.

Ciao.

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